Au Sénégal l’enseignement supérieur privé est une réalité incontestable. Les établissements privés d’enseignement supérieur (EPS) regroupent entre 20 % et 30 % des effectifs des étudiantes et des étudiants.
Types d’établissements privés d’enseignement supérieur
Je classerai les établissements privés d’enseignement supérieur en quatre catégories :
– les établissements privés catholiques. Il y a une tradition très ancienne et très enracinée d’intervention de l’Église dans l’éducation du préscolaire, du primaire, du collège, du secondaire et même de la formation professionnelle. Ces écoles sont présentes en ville et dans le monde rural. Certains établissements secondaires ont prolongé leur enseignement au post baccalauréat comme Les Maristes, Sainte Jeanne d’Arc, Sacré Cœur, etc. L’Église a créé l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO), un des établissements privés d’enseignement supérieur le plus important dans le pays.
– les établissements arabo-islamiques à qui j’accorderai ma dernière note.
– les établissements historiquement issus de partenariats. Certains étaient à l’origine des établissements régionaux appartenant à des organisations sous régionales. C’est le cas du Centre africain d’Études supérieures en Gestion (CESAG) et de l’École supérieure multinationale des Télécommunications (ESMT). Il y a aussi plus récemment le Campus franco-Sénégalais qui est un établissement issu du partenariat entre le Gouvernement du Sénégal et le Gouvernement français.
– il y a surtout les établissements privés d’enseignement supérieur issus de l’initiative privée de Sénégalais, d’Africains et d’étrangers non africains, souvent d’initiatives privées individuelles, quelque fois des collectifs d’enseignants en activité ou à la retraite, des entreprises privées, des délocalisations d’établissements privés d’enseignement supérieur étrangers français, américains, etc. Cette catégorie d’établissements a essaimé dans toutes les filières de l’enseignement supérieur et dans toutes les régions du Sénégal.
Les contraintes du développement de l’enseignement privé supérieur au Sénégal
Les difficultés du développement de l’initiative privée dans l’enseignement supérieur sont d’abord historiques.
Nous avons hérité de la culture française de l’éducation en général et de l’enseignement supérieur en particulier qui doivent être selon cette vision l’affaire de l’État et gratuits. Il faut souligner que cette vision est de plus en plus abandonnée en France. Cependant chez nous où les mentalités changent très peu, elle est encore chez les enseignants chercheurs et le top management de l’État très vivace.
Comme pour l’enseignement privé moyen et secondaire, à ses débuts, les EPS souffrent de préjugés souvent infondés sur la faiblesse de la qualité de la formation qu’ils délivrent, la formation à la pelle de diplômés chômeurs, etc.
Une autre difficulté que les EPS ont partagé au début avec les nouvelles universités publiques est le monopole de fait de l’Université Cheikh Anta Diop sur les conditions de recrutement dans les écoles nationales de formation et dans les concours nationaux.
Enfin la non application dans beaucoup de cas du décret de 2015 sur le classement et la reconnaissance des diplômes par certains ministères comme le Ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS).
Les faiblesses des établissements privés d’enseignement supérieur
La principale faiblesse des établissements privés d’enseignement supérieur est l’orientation majoritaire de leur formation dans des secteurs comme les banques, la comptabilité, les finances, le commerce, les ressources humaines, la gestion, le marketing, etc.
Les EPS n’ont pas toujours un personnel d’enseignement propre. Ils emploient beaucoup d’enseignants chercheurs des universités publiques et beaucoup de vacataires.
Une faiblesse structurelle des EPS est la quasi absence d’activité de recherche.
Ils ne bénéficient pas dans la durée de l’appui de l’État.
L’État ne s’est pas encore complètement acquitté de sa dette provenant de l’orientation des bacheliers dans le privé.
Enfin une maladie des EPS est l’arrivée dans le secteur d’affairistes exclusivement préoccupés par le profit au détriment de la formation.
Les Forces de l’enseignement supérieur privé
La principale force de l’enseignement supérieur privé est son agilité, c’est à dire sa capacité à s’adapter à de nouvelles situations, sa capacité d’initiative dans la formation, son ouverture sur les offres d’emplois du monde de l’entreprise.
Les EPS ont très rapidement compris l’importance de répertorier les niches d’emplois et de former les étudiants pour qu’ils puissent saisir ces opportunités.
Ils ont compris plus tôt que les universités publiques que les contraintes liées à l’absence de profils d’enseignants chercheurs correspondant à la filière de formation pouvaient être réglées par l’utilisation des professionnels travaillant dans les entreprises privés.
Les EPS ont une très grande capacité d’adaptation. Elle est souvent liée à la souplesse de leur gouvernance et de leurs procédures de prise de décision.
Les EPS se sont saisi de l’enseignement à distance pour en faire une modalité de formation et une opportunité de partenariat avec les meilleures universités. ISI, ISEG et d’autres EPS utilisent fortement cette modalité de formation.
Les EPS se sont très rapidement saisis de l’informatique, des technologies de l’information et des communications (TIC), du digital pour en faire une filière de formation de choix. De même depuis une dizaine d’années de plus en plus de filières et d’établissements sont créés dans le domaine des sciences, des technologies, des sciences de l’ingénieur et des mathématiques ( STEM) collant ainsi de plus en plus dans les orientations de la Concertation nationale pour l’Avenir de l’Enseigment supérieur (CNAES).
Les EPS se sont très rapidement accaparés des procédures d’assurance qualité pour en faire un label pour renforcer leur attractivité. Les EPS présentent régulièrement leurs filières de formation à l’accréditation de l’ANAQ Sup puis au CAMES qu’ils utilisent pour attirer davantage d’étudiantes et d’étudiants.
Il y a malheureusement certains établissements privés d’enseignement supérieur qui continuent d’exister sans remplir ces critères. Il en est d’ailleurs de même de certaines filières de formation de certaines universités publiques.
Les EPS ont établis un lien beaucoup plus fort avec le monde socio-économique permettant à un certain nombre de leurs étudiants de trouver plus facilement de l’emploi dans des secteurs comme les banques, le commerce, le tourisme, la presse, la communication, le secteur privé de la santé, etc.
Le rôle des établissements privés d’enseignement supérieur
Les EPS sont des entreprises privés. Ils créent de la richesse. Notamment ils participent de manière significative à la constitution du capital humain dans notre pays et en Afrique.
Les EPS sont des employeurs. Ils contribuent à résorption du chômage des jeunes. En effet, ils emploient des enseignants, du personnel administratif, du personnel technique, des ouvriers et du personnel non spécialisé.
Les EPS jouent leur partition dans notre espace national d’enseignement supérieur.
Le rayonnement international des établissements privés d’enseignement supérieur
Les EPS contribuent fortement au rayonnement international de l’enseignement supérieur du Sénégal.
Les EPS reçoivent un très grand nombre d’étudiants africains et même non africains. Ils participent ainsi de manière significative à la promotion du label étudier au Sénégal.
Les EPS offrent de plus en plus des doubles diplômes en partenariat avec des universités réputées des pays du Nord.
Un certain nombres d’établissements privés d’enseignement supérieur sénégalais sont présents depuis une décennie dans le Top T’en du classement des meilleures business School D’Afrique francophone. Nous pouvons citer Sup de Co, Bordeaux Management School, ISM, IAM, etc.
Il y a des établissements privés d’enseignement supérieur qui excellent dans l’informatique comme ISI, dans les STEM comme Saint Christopher-El Hadj Ibrahima Niass, l’UCAO, Sainte Jeanne d’Arc, l’Université du Sahel, ESMT, ESTM, ITECOM, Hampaté Ba, ESIEX, etc.
Les EPS sont nombreux à contribuer à la formation de la jeunesse africaine et à la création de l’emploi.
Conclusion
Je continuerai à insister sur la nécessité dans notre pays de faire tomber les dogmes qui freinent notre développement et obstruent les opportunités d’initiative et d’innovation pour notre jeunesse.
La libération complète du développement du secteur privé en fait partie.
Et dans le secteur de l’enseignement supérieur ce qui compte en premier c’est la qualité de la formation ensuite vient l’identité de celui et de celle qui payent la formation : l’État, le bénéficiaire, la famille, l’entreprise, le bailleur, la Fondation, le mécène, etc.
Je réaffirme un principe auquel je crois: « l’enseignement supérieur privé et l’enseignement supérieur public sont d’égale dignité ».
NB: je n’établis aucune hiérarchie, aucun classement encore moins aucune préférence en citant tel ou tel établissement. Mes citations ne sont que des illustrations !
Par Mary Teuw Niane